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Critique du livre « SEND : the essential guide to email for office and home » / David Shipley & Will Schwalbe

paper-1349664_640_mIl est devenu presque une tradition sur ce blogue que je lise et critique des livres et autres publications. Jusqu’ici j’avais (entre autres) parlé d’ouvrages portant sur l’organisation du travail, la surcharge d’information, le fonctionnement du cerveau.

Malgré tout, et de toute évidence, à force d’être cité comme un expert en la matière, il était temps que je m’intéresse à un livre qui parle de l’utilisation du courriel.

J’en ai trouvé un fort sympathique.

Aperçu

Loin d’être un livre récent, SEND est paru en anglais en 2007. Une version française est parue l’année suivante sous le titre Envoyer : règles à observer et pièges à éviter pour faire bon usage du mail.

Toutefois, c’est sur la version originale que je suis tombé en balayant du regard les rayons de la bibliothèque, et par conséquent c’est de celle-ci dont je ferai la critique.

Présentation générale

C’est un livre de format poche de 247 pages. Il compte sept chapitres, abordant différentes facettes du sujet :

  1. Quand devrions-nous utiliser le courriel?
  2. L’anatomie d’un courriel
  3. Comment écrire le courriel « parfait »
  4. Les six principaux types de courriels
  5. Le courriel émotif
  6. Le courriel qui pourrait vous mener en prison
  7. S.E.N.D.

Le livre comporte aussi, à travers presque tous les chapitres, des sections encadrées au fond bleu qui mettent en relief certains éléments reliés au chapitre, ou simplement pour notre culture générale. Voici quelques exemples de ces derniers :

  • Une brève histoire du courriel, pour ceux que ça intéresse (page 20)
  • Comment le courrier électronique fonctionne (page 32)
  • Moments forts dans l’histoire du courriel (page 52)

Contenu

En guise d’introduction, le livre pose la question : pourquoi sommes-nous aussi nuls avec le courriel?

Présentant un exemple de courriel ambigu, les auteurs mettent en relief les problèmes que cette ambiguïté pose ; notamment, le malentendu.

S’en suit une rafale de questions ouvertes — qui feront l’objet de réponses ou de pistes de réflexion plus loin dans le livre, on le présume.

En voici quelques-unes  :

  • Pourquoi écrivons-nous autant de courriels qui n’auraient pas dû être écrits?
  • Pourquoi les gens oublient-ils que le courriel laisse une trace indélébile dans l’univers électronique? — et surtout :
  • Pourquoi sommes-nous incapables de rédiger nos messages soigneusement pour s’assurer que les gens comprennent bien ce que nous souhaitons, sans avoir à se poser la question?

Une piste d’explication à ces problèmes : le courriel est relativement nouveau ; nous apprenons encore à l’utiliser, nous essayons encore de l’apprivoiser et de se l’approprier.

Cependant, pour les auteurs, cette excuse est insuffisante. Le principal problème est relié à l’écriture. On écrirait trop rapidement, sans trop réfléchir à savoir si ce qu’on dit est pertinent, et surtout clair. On enverrait aussi nos courriels trop rapidement. Trop rapides sur le bouton Envoyer finalement. D’où le choix du titre, on le présume.

Le but du livre serait ainsi d’enseigner au lecteur à mieux utiliser notre messagerie électronique : à mieux écrire, à utiliser son jugement pour prendre des décisions éclairées, et mieux comprendre les enjeux reliés à l’usage du courriel.

On se plaint tous de la quantité de courriels que nous recevons, mais ce qui est pire, et que l’on voit le moins, c’est la [piètre] qualité des messages que nous envoyons. – p.10 (mon emphase)

Les auteurs rêvent que notre efficacité à écrire nos courriels permette d’en réduire la quantité.

Chapitre 1 : Quand utiliser le courriel

Le titre du chapitre dit très bien ce dont il va parler, en insistant sur les différentes options offertes à l’émetteur d’un message. Pour ce faire, en page 17, on propose un jeu d’association entre le médium, le destinataire, le contexte et l’objectif.

En effet, le courriel est un moyen — un médium — de communication parmi d’autres. Parmi ceux présentés dans le livre, on retrouve le texto (SMS), la lettre, le téléphone et le télécopieur (fax). On envoie aussi des courriels à différentes personnes, et le livre donne quelques exemples : un patron, un ami, un collègue, un assistant ou un mentor. Le contexte, quant à lui, peut aussi être de nature variable. On peut effectivement recevoir un message informel, urgent ou de routine, mais aussi inattendu et même émotif. Finalement, l’objectif d’une communication peut être une requête, une invitation, un remerciement, une critique ou une expression de regrets (apologies).

Note : Ces objectifs sont d’ailleurs sensiblement (mais pas exactement) repris au chapitre 4, soit les principaux types de courriels.

On présente ensuite les caractéristiques (avantages, inconvénients) de chaque outil, l’un après l’autre, et précise dans quel cas l’un ou l’autre de ces outils seraient préférables au courrier électronique. Ce médium de communication étant abordé en premier, on présente avant toute chose plusieurs cas où il est simplement mieux de ne pas l’utiliser.

Le courriel est dangereux car il donne l’impression d’être en action même quand rien ne se passe! – citation d’un musicien

Chapitre 2 – L’anatomie d’un courriel

Cette partie présente les principales parties et fonctions associées au courriel.

Par exemple, connaissez-vous la différence entre les champs To:, CC: et BCC:? Ce livre vous l’expliquera, et vous dira lesquels utiliser selon le cas et de quelle façon pour vous agir de manière professionnelle et éthique. La question du choix des adresses de courriels est aussi abordée.

Les auteurs insistent beaucoup sur l’importance du choix de l’objet (dans le champ Subject) du message, puisqu’il fera toute la différence entre un courriel lu (et apprécié) et ignoré (ou détesté). La question des pièces jointes, les polices de caractères, les mentions d’urgence, les invitations à confirmer la réception du message, etc. passent aussi dans la moulinette.

Enfin, c’est dans cette partie que l’on abordera les formules de salutations d’entrée (Madame, Monsieur, Cher, Chère, etc.) et de sortie (Au plaisir, Veuillez agréer, etc.) — évidemment, les formules sont en anglais, mais c’est surtout d’un point de vue d’adéquation de langage — ainsi que les éléments à inclure dans sa signature.

Chapitre 3 – Comment écrire le courriel « parfait »

Ce chapitre tombe dans ce que les auteurs présentent comme le problème de fond, soit l’écriture. Au menu : choix des mots (notamment relié au niveau de langage), orthographe, grammaire, ponctuation, paragraphes, contractions, majuscules, émoticônes, abréviations et sens (véritable). Tout y passe. (Notons que les contractions s’appliquent ici à la langue anglaise [I don’t know vs. I do not know], parce qu’elles peuvent changer le ton ou le sens des phrases.)

En bout de ligne, ce que les auteurs mettent en lumière, ce sont les erreurs que les gens font à l’écrit lorsqu’ils emploient mal ou ne maitrisent tout simplement pas ces différents éléments langagiers.

Chapitre 4 – Les 6 principaux types de courriel

Ils correspondent aux différents objectifs et contextes d’envoi d’un courriel. Il s’agit ici des règles à suivre — voyez-le comme une liste de faites ceci, ne faites pas ça — ou simplement des exemples de leçons de quoi s’inspirer pour atteindre son but selon le cas.

Les six types se déclinent comme ceci :

  1. Demander
  2. Répondre
  3. Informer
  4. Remercier
  5. S’excuser
  6. Faire connaissance (Connecting)

Pour chaque type de courriel, vous recevrez des instructions claires des choses à faire et à ne pas faire. Chaque cas est aussi garni d’exemples pour en illustrer l’importance.

Chapitre 5 – Le courriel émotif

Selon les auteurs, notre nature affective change lorsque l’on utilise le courriel. Nous devenons plus irritables, plus mesquins, plus mère poule, et peut-être même plus méchants que ce que nous sommes en réalité. Bref, nous devenons des êtres étranges.

Au chapitre 5, ils nous présentent diverses émotions qui peuvent transparaître dans nos messages : la colère, le sarcasme, la mauvaise foi (duplicity) et la méchanceté.

Ils proposent aussi des pistes de solutions pour réparer — et surtout éviter — des écarts de conduite.

Chapitre 6 – Le courriel qui pourrait vous mener en prison

Certains courriels pourraient non seulement vous mettre dans l’embarras, mais pourraient aussi vous être fatals. C’est ce que tente de démontrer le (bref) chapitre 6, et il vous donne des astuces pour éviter que cela vous arrive.

Vous aurez un aperçu des pièges que l’on pourrait vous tendre et des situations qui pourraient vous mettre dans l’embarras. On vous invitera aussi à réfléchir sur le caractère humoristique (ou pas) d’un courriel.

Chapitre 7 – S.E.N.D.

Voilà une surprise pour ceux qui n’avaient pas vu l’acronyme qui, malgré qu’il apparaisse bien dans la table des matières, n’est jamais abordé avant ce dernier chapitre.

Cet acronyme justifie en soi le choix du titre pour le livre, puisque S.E.N.D. fait référence aux termes suivants : Simple, Effective, Necessary et Done. Les auteurs y voient là une courte liste de questions à se poser avant d’envoyer un message : le message est-il simple, efficace, nécessaire et comment assure-t-on l’action qu’il demande, s’il y a lieu?

SIMPLE – Selon les auteurs, si un message n’est pas simple, il génère de la confusion et gaspille des ressources.

EFFICIENT – S’il n’est pas efficace, c’est-à-dire qu’il n’atteint pas son but, il faut revoir ses façons de faire pour qu’il le soit les prochaines fois.

NECESSARY – Un courriel qui n’est pas nécessaire devrait être supprimé, au sens où il ne mériterait même pas d’être envoyé du tout.

DONE – Enfin, avant d’envoyer un courriel, on devrait toujours avoir déterminé des moyens d’y donner suite, question de s’assurer que l’action requise soit effectivement réalisée (d’où le terme Done) par la personne à qui s’adresse le message. À défaut de le faire, on risque de tomber dans le piège de la déresponsabilisation. En effet, plutôt que s’arrêter à l’envoi d’un courriel, se lavant les mains de la suite des choses, l’expéditeur (et plus généralement l’employé) consciencieux aura avant toute chose pris soin de trouver les moyens que le travail se fasse, peu importe le chemin.

D’ailleurs, ce style de gestion par courriel, ça vous fait penser à quelqu’un, peut-être?

Annexe – Comment lire l’entête d’un message

Cette courte partie tente de démystifier les codes générés par les ordinateurs hôtes (serveurs) lors de la transmission des messages, soit ceux qui permettent d’identifier par où ils sont passés, et à quel moment.

Ces codes peuvent être lus dans les entêtes des messages, que la majorité des logiciels de messagerie électronique permettent de visualiser.

Propos

Le livre met en lumière nos difficultés à entretenir des relations au bureau, et surtout le fait que les choses se compliquent lorsqu’une trace est laissée à cause d’un courriel maladroit.

Les principes présentés sont sans doute aussi valables pour n’importe quelle situation de communication interpersonnelle. Souvent, il s’agit d’une simple question de bon sens.

Souvent, ces principes nous font prendre conscience de la portée et des limites des moyens utilisés, et ce, jusqu’au choix des destinataires, et où on les place respectivement (notamment dans les champs To et CC).

SEND explore les ratés de notre utilisation du courriel, avec un accent sur notre manière de communiquer à l’écrit.

Style

Oubliez ce livre si vous avez en tête un ouvrage sérieux, technique, voire scientifique. Le sujet, quoique important, est le plus souvent abordé sur un ton léger, avec beaucoup d’humour et même de dérision. Les exemples fournis — et il y en a plusieurs — empruntent souvent la voie de l’exagération, de la parodie et d’autres formes divertissantes.

Loin d’avoir une forme de guide pratique non plus, au sens où chaque étape d’une marche à suivre serait bien définie et de manière neutre, il s’agit plutôt d’un essai avec une forme argumentaire, et structurée selon les propos que les auteurs souhaitent mettre de l’avant.

En fait, les auteurs entrent presque en conversation avec le lecteur, s’adressant directement à lui et l’interpellant souvent, avec des formules telles que Vous voyez? et la forme impérative. Dans ce dernier cas, le lecteur a tout le loisir de prendre la règle au sérieux ou non.

Public visé

Ce livre pourrait s’adresser à l’employé de bureau typique. Celui qui utilise le courriel sans trop se poser la question s’il y a une bonne ou une mauvaise façon de le faire. Ce serait néanmoins curieux qu’il s’intéresse vraiment au sujet, si c’était le cas.

Alors qui ça intéresse? Peut-être à ceux qui souhaitent maîtriser l’outil, étant conscient des problèmes qu’il cause, et peut-être même l’enseigner aux autres. Voilà. Ce sont ceux qui souffrent d’une mauvaise utilisation du courriel qui auraient tout intérêt à parcourir cet ouvrage, et ce serait finalement eux qui deviendraient les promoteurs de meilleures façons de faire dans leur entourage. Peut-être.

Critique

Appréciation générale

C’est un livre assez bien réussi dans l’ensemble, et j’ai beaucoup apprécié l’étendue de la couverture du sujet. En effet, à peu près tous les angles sont présentés, si l’on prend pour acquis que l’objet est l’utilisation — et non la gestion — du courriel, dans une perspective de communication avec les autres.

C’est un livre plutôt bien structuré, et les titres et les sous-titres donnent un bon aperçu de ce qui est abordé. L’ordre de présentation est logique, et les éléments s’enchainent bien. On a vraiment l’impression de faire le tour de la question, pas à pas, pour avoir une vision complète.

C’est un livre très instructif, qu’il s’agisse notamment des aspects techniques et légaux, et il fait réfléchir. Il met en relief ce que certains n’auraient jamais vu venir. Les petits encadrés bleus sont bien présentés et sont pertinents.

Côté pratique, il met en relief ce que plusieurs d’entre nous faisaient déjà, sans doute inconsciemment. Le livre permet de découvrir finalement pourquoi on le faisait, et pourquoi c’était pertinent et adéquat.

Irritants possibles

Malgré ses qualités, il y a des éléments qui m’ont moins enchanté. Le simple fait, par exemple, que le livre raconte des histoires ou des anecdotes, plutôt que dire simplement les choses, m’a fait passer rapidement sur plusieurs sections. N’eut été le fait que je me sois donné la mission d’en faire la critique, je l’aurais rapidement mis de côté par lassitude.

Trop long

Soit, c’est un petit livre, mais à mon avis il aurait pu être plus court, et aller directement à l’essentiel. J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de détails inutiles, superflus. À la première lecture, pour éviter de m’endormir, j’ai lu plusieurs sections en diagonale. Je dois d’ailleurs m’en confesser : je n’ai pas tout lu. À plusieurs endroits, j’ai simplement deviné ce qu’allaient dire les auteurs. On finit par les connaître.

Pas toujours pertinent

C’est peut-être un jugement de valeur ou un biais de ma part, mais j’ai souvent senti que ce qui était proposé était d’une évidence extrême. À plusieurs reprises, j’avais envie de dire : Est-il nécessaire de tout expliquer ça? Parfois, on a l’impression que l’on nous prend pour un imbécile ou un ignorant total. Ça peut parfois nous questionner par rapport à la valeur du contenu.

Pas toujours clair

Il y a des endroits dans le livre où le contenu m’a laissé perplexe. Par exemple, les notions par rapport aux entêtes de messages, qui sont présentées en annexe, j’ai dû mal les saisir… ou bien ce sont les auteurs qui les ont mal expliquées. En tous cas, j’aurais aimé comprendre ce qu’on voulait nous apprendre plus précisément dans cette section.

Conclusion : comment voir (et lire) ce livre

Il y a de tout dans SEND. Du bon et du moins bon. Certaines choses vous feront sourire, d’autres vous feront réfléchir, et d’autres vous sembleront complètement futiles.

Je vous conseillerais de lire uniquement ce qui vous intéresse, plutôt que d’essayer de le lire comme un roman… à moins que vous souhaitiez vous servir des sections plus ennuyantes comme somnifère?

En d’autres mots, mon avis c’est : survolez d’abord le livre, puis pigez dans ce qui fait votre affaire. Vous gagnerez du temps, et vous aurez quand même de bonnes chances d’avoir réponse à vos questions.

Quelques anecdotes et faits intéressants

Voici quelques éléments que l’on peut apprendre ou se rappeler dans ce livre.

  • Avant 1971, le symbole @ n’était utilisé que par les comptables et les commerçants. (D’où le nom a commercial que l’on utilise toujours en français!)
  • Selon le livre, si vous envoyez un courriel à une personne, il y a 95% des chances que vous ayez une réponse ; envoyez-le à 10 personnes, ce taux baisse à 5%!
  • L’aviez-vous remarqué? Le courriel a augmenté de manière substantielle le travail de rédaction que l’on s’attend de nous ; désormais, il le demande même à des gens qui n’avaient pas du tout besoin d’écrire au travail auparavant!

À propos des auteurs

Aujourd’hui rédacteur en chef du Bloomberg View, David Shipley (@davidjshipley), était rédacteur adjoint de la page éditoriale et le rédacteur en chef de la page d’opinions du New York Times au moment de la parution du livre. Will Schwalbe (@WillSch), qui était rédacteur en chef d’une maison d’édition, a depuis publié un second ouvrage (un roman). Les deux ont été journalistes.

Article rédigé par : Félix Arseneau


Une copie légitime de cet article figure sur le blogue de l’Association des archivistes du Québec.


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Auteur :

Expert en organisation et en gestion de l'information.

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